Reconcilier la (5ème) République et la Démocratie:Quelles propositions?

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La démocratie existe-t-elle encore dans le carcan du fonctionnement d'institutions comme la 5ème République ? Le système représentatif ,considéré par certains comme le seul viable, dans un contexte ou d’une part, le peuple n’aurait pas la lucidité ou les éléments d’informations suffisants pour légiférer de façon pertinente, efficace et dans l’intérêt général par lui-meme;ou d’autre part, le peuple s’il était en position de légiférer par lui-même ,ne disposerait pas , par définition, de contrepouvoir- ce qui est contraire à la conception de la Démocratie qui suppose le contrôle- n’est-il pas le moindre mal : une démocratie sans doute au rabais, mais une démocratie tout de même ?

Dans le même sens, donner la parole en continu aux citoyens pour forger les règles conduirait, par la remise en cause permanente de ces mêmes règles à l’impuissance totale !

De nombreuses voix s’élèvent cependant pour mettre en cause cette République dont le fonctionnement n’offrirait plus aux citoyens les moyens de décider et de contrôler les décisions, lesquelles seraient la prérogative de représentants bien éloignés de leurs électeurs.

De nombreuses voix, mais aussi de nombreuses non-voix, celles massives des abstentionnistes qui, insatisfaits d’un système qu’ils pensent ne pas les représenter, le boudent.

Quel serait alors l’instrument d’une association permanente et fluide du citoyen à l’élaboration des règles ? Dominique Rousseau (« Radicaliser la démocratie propositions pour une refondation» Seuil 2015) propose d’en passer par la Constitution, parce que ce texte, est un outil évolutif, vivant, grâce à l’action du Conseil Constitutionnel ; qu’avec cette qualité il peut intégrer, au fil du temps, les avancées démocratiques voulues par les citoyens.

Face à des reformes ou des velléités de reformes qui ne sont que des redistributions de pouvoirs entre les acteurs les possédant déjà, Rousseau propose de repenser la démocratie exercée non par l’Etat mais par la Société des citoyens. Il faut aller vers une « démocratie continue », c’est-à-dire exercée en continu par les citoyens.

D’une part, le suffrage universel ne suffit pas à garantir la qualité démocratique des institutions qu’il permet d’élire : Le suffrage universel ne garantit par lui-même que la démocratie des institutions constituant l’Etat, non le caractère démocratique de la Société.

D’autre part l’Etat n’est plus le reflet de la Société : Cette dernière est de plus en plus mondiale ou locale et de moins en moins étatique : fin des frontières, libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux, internet, droit international (et européen), réapparition des « peuples locaux » (identités oubliées englobées à un moment donné par l’Etat) etc. déconnectent les contours de la société de ceux de l’Etat.

Ainsi, si tenté que les institutions composant l’Etat soient réellement démocratiques-ce qui n’est pas la réalité-et qu’elles confèrent à l’Etat ce même caractère démocratique(le tout reflet de ses composantes), ce dernier n’étant plus le reflet de la Société, cette dernière ne peut plus être démocratique via l’Etat.

En « démocratie continue » la norme est élaborée par l’espace public, lieu de discussion qui traite des questions issues de l’espace civil ; cet espace public rassemble des acteurs capables d’imposer à l’Etat (l’espace politique), la prise en compte des normes qu’il imagine, voire leur adoption. Dans ce contexte, le citoyen est en permanence actif, à mettre  en regard avec le rôle limité à l’acte d’élection qu’il joue en système représentatif. Les outils de la « démocratie continue » seraient de trois catégories : Institutions de la généralité démocratique, celles-là réflexivité démocratique, et, enfin les institutions du gouvernement démocratique.

Démocratie continue dans la mesure où le peuple ne pouvant être contrôlé, un système assis sur le referendum aboutirait à une tyrannie. La préférence est donc donnée à une assemblée sociale délibérative élue selon un mode de scrutin qui prenne en compte l’ensemble des secteurs de production du pays .Celle-ci aurait un pouvoir délibératif initié par des commissions thématiques ou siègent des représentants de tous les groupes sociaux(et non par groupe social, afin d’éviter les corporatismes).La deuxième institution de la généralité démocratique seront les conventions de citoyens chacune composée d’ une quinzaine de citoyens  tirés au sort ,ces derniers bénéficiant alors d’une formation en lien avec le sujet à traiter :la finalité de chaque convention est en effet la production d’une proposition de norme sur un sujet donné .L’émergence de ces conventions de citoyens résulterait d’initiatives citoyennes(au moins  500 000 signatures),ou d’un groupe parlementaire, ou du Premier Ministre.

Ainsi existerait-il un dialogue entre institutions politiques classiques (Assemblées « représentatives » : Assemblée Nationale, Sénat..), Assemblée sociale délibérative (représentant la société civile « organisée »  et les conventions de citoyens (représentant la société civile « inorganisée »), chaque pole étant concurrent dans l’exercice des propositions. Les assemblées représentatives gardant, au final, le pouvoir de décider.

Les institutions de la « réflexivité démocratique » sont d’abord la justice, une justice réorganisée, dont la vocation n’est plus d’être le simple appliquant des règles fixées, mais d’être en amont, le garant que les règles élaborées par les autres institutions de la démocratie continue, sont conformes à la Constitution, aux règles européennes et aux traités internationaux. Ainsi succèderait au Ministère de la Justice, un Ministère de la Loi, en charge de vérifier la qualité et la cohérence à la Constitution des projets soumis à discussion parlementaire.

La politique pénale échapperait désormais au Ministère de la Justice pour être une prérogative d’un Procureur général. Le conseil d’Etat serait supprimé, au motif que l’Etat redevenu un justiciable comme un autre ne doit plus bénéficier d’un traitement judiciaire spécifique. Et le Conseil Constitutionnel-dont le rôle atteste que désormais la loi de l’Etat doit être contrôlée-transformé pour ne garder que son rôle de contrôle de constitutionnalité a posteriori.

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